Une Eve en hiver
Cet hiver encore, des Vénus dans le plus simple appareil sont apparues sur les abris bus des rues mornes. Sur les champs Elysées, on l’a déjà dit, on les remarque moins… Il faut aller du côté des pavillons, des artères vides, et des tours de verre pour révéler tout ce qu’elles peuvent avoir d’étrange. Cette fois, une manière d’Eve en son Eden. Là, l’image se détache comme une fenêtre donnant sur des arrières mondes aux couleurs improbables… Invitation au piratage…
Qu’est ce que cette Eve que nous livre la marque Phyto ? Que raconte cette jeune femme nue dans sa forêt originelle, là, au milieu de la ville ? La fougère (en plastique ?), au premier plan, est à peine raccord… Il ne s’agit pas d’y croire… C’est une image…
Alors ?
Deux possibilités
Le paradis perdu continue de nous hanter… Plus encore aujourd’hui où l’on sent que la nature s’abime. Et au fur et a mesure qu’elle disparaît, on la célèbre, on la met en image, on la concentre dans des shampoings, derniers ambassadeurs de « la puissance du végétal ». La beauté naturelle comme mythe de la société contemporaine… Les mythes ne se construisent bien que sur l’absence…
Ou l’image dit quelque chose d’un corps libéré… renvoie à une forme de sauvagerie, de sensualité qui pourrait se frayer un chemin entre le béton et le numérique, une aspiration au corps vivant, à une chevelure baudelairienne, enivrante, comme une forme de résistance devant la dématérialisation… La beauté comme une nature qui surgirait par les fissures de pavillons à l’abandon… « Life finds a way »..
Je crains que l’image publicitaire ne soit évidemment que le résultat du premier principe.
Ce n’est pas grave… Elle peut tout de même jouer son rôle de fenêtre… Là, dans la banlieue parisienne… Une fenêtre que l’on peut ouvrir sur le monde qui nous intéresse… Une invitation à la détourner de son programme… Cela fonctionne d’autant mieux que l’image est naïve…
La voilà alors révélant une beauté qui ne serait plus seulement canonique, parnassienne, très « aspirationnelle »… mais humaine, charnelle, et foncièrement heureuse…Une image de la beauté comme apparition. Telle Eve, elle sortirait l’humain de sa zone de confort, pour l’amener à voir autrement, à s’émouvoir, c’est à dire se mettre en mouvement… Au contraire, codée, définie, accaparée, la beauté se fige et manque nécessairement son but… Ce qu’on rechercherait alors dans la nature serait un principe d’imprévisibilité, retrouver quelque chose qu’on ne pourrait pas maitriser… Mais ça, évidemment, ça ne va pas dans le sens de l’histoire…
Commentaires
une fenêtre sur un paradis perdu, à retrouver ne serait-ce qu'intimement chez soi, dans les gestes les plus quotidiens, la naturalité de son shampooing, oui, c'est plutôt pas mal, non ?
Ah, mais ça, c'est une autre question... Si le produit, dans l'intégrité de sa composition et l'expérience sensorielle qu'il délivre, nous amène effectivement à ce résultat... Oui c'est pas mal... Vous l'avez essayé ?